2020 dans l’ombre de 2000

3 November 2020

Chaque lundi avant le 3 novembre, je publie une tribune dans l’Humanité sur l’élection présidentielle aux États-Unis. Je republie le cinquième article, publié le 2 novembre, aujourd’hui, le jour de l’élection.

 

Il y a vingt ans, à l’issue du scrutin présidentiel de 2000, la Cour Suprême a exigé de l’État de Floride qu’il cesse de recompter des votes disputés, assurant ainsi la victoire de George W. Bush contre le Démocrate Al Gore. C’était la première fois, à l’époque contemporaine, qu’un président accédait à la Maison blanche sans gagner une majorité de voix, ce que la plupart des Américains pensaient impossible. L’élection de 2000 a montré que les irrégularités produites par notre système électoral décentralisé permettaient aux institutions antidémocratiques – notamment le Collège électorale et la Cour Suprême – d’ignorer la volonté populaire.

 

Joe Biden est davantage prêt à affronter une telle situation que son prédécesseur : il a recruté plusieurs milliers d’avocats pour surveiller, et éventuellement contester, le décompte des votes en Floride comme partout ailleurs aux États-Unis. Biden ne peut faire autrement. Donald Trump et ses alliés républicains ont explicitement annoncé leur intention de faire invalider des votes dans de nombreux États, et les juges conservateurs de la Cour Suprême sont prêts à les suivre. Personne ne pense que Trump peut gagner une majorité de voix, mais tout le monde s’attend à ce que 2020 soit un retour à 2000.

 

Mais quand on pense aujourd’hui à la défaite de M. Gore, ce qui devrait choquer n’est pas que l’on puisse bientôt assister au deuxième coup d’État judiciaire du XXIe siècle – c’est l’oubli quasi-total, et quasi-instantané, du premier. Quand Al Gore a appris que la Cour Suprême avait décidé en faveur de Bush, il a immédiatement accepté sa « défaite », et a exhorté ses collègues démocrates à ne surtout pas remettre en question la légitimité de cette Cour qui les avait pourtant écartés du pouvoir. Et puis, après les attentats du 11 septembre 2001, toute personne qui doutait de la position de George Bush comme chef d’État était qualifiée d’hérétique. En 2004, ce sont les Démocrates qui ont presque gagné grâce au Collège électorale, avec une minorité de voix populaires, mais depuis 2008, la question ne se posait plus. Si un Afro-Américain qui s’appelle Barack Hussein Obama pouvait remporter deux victoires décisives, comment dire qu’il y avait un problème avec le mode d’élection aux États-Unis ? Quand, alors, Donald Trump a gagné en 2016 malgré les trois millions d’Américains en plus qui avaient voté Clinton, c’était comme si rien de tel n’avait eu lieu auparavant.

 

Biden et le Parti démocrate sont préparés pour la possibilité d’une élection contestée. Mais sont-ils prêts à faire face aux institutions antidémocratiques ? Si Biden gagne de manière écrasante cette semaine – comme les sondages l’indiquent – il sera facile de dire que l’on craignait à tort une élection à nouveau « volée » par une Cour Suprême conservatrice. Sans confrontation directe avec ces institutions, pourtant, on peut être certain que la droite aura encore l’occasion de détourner de futurs scrutins contre la majorité populaire.

 

Photo credit: Village Square via Wikimedia Commons (CC BY 2.0)

 

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